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Et si tous les enfants du monde pouvaient faire entendre leurs voix ?

Observation Générale no27 sur le droit de l’enfant d’accéder à la justice et à des voies de recours effectives

Réponse à l’appel de contributions des Nations Unies

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Les enfants, de tous les pays de monde, sont ce qu’il y a de plus précieux à leur société respective.

Toutefois, plusieurs systèmes judicaires ne considèrent pas la parole de l’enfant comme juste et crédible lorsque ces derniers ont été témoins ou victimes directes d’un crime.

Au-delà de cette présupposition erronée, le tout se complexifie avec l’absence du respect des limites cognitives des enfants dû à un manque de connaissances des professionnels ayant comme mandat de les auditionner.

Plus que jamais, la parole de l’enfant doit être entendue et respectée.

Donner à l’enfant le droit d’être questionné dans le respect de ses capacités langagières, mnésiques et tenant compte de ses connaissances de base, fortement influencées par son milieu de vie et sa culture, devrait être un droit absolu et mis en œuvre.

Il s’avère que l’art du questionnement non suggestif est l’une des meilleures façons de recueillir cette parole et de faire respecter ce droit fondamental de reconnaissance qu’ont tous les enfants du monde.

Les soupçons ou les allégations de violences sur des enfants font réagir et suscitent plusieurs inquiétudes.

Les préoccupations que de telles allégations soulèvent peuvent créer beaucoup de souci et de défis à ceux et celles qui doivent recueillir la parole de l’enfant, s’assurer de sa crédibilité et y coller un contexte qui pourra ensuite être apprécié par l’appareil judicaire.

Défi crucial compte tenu de l’importance de s’assurer de la sécurité des plus vulnérables et également d’arriver à porter des accusations d’infractions criminelles et pénales.

Dès les années 90, aux États-Unis, plusieurs questions fusèrent quant à la façon dont les enfants étaient accueillis et questionnés à la suite de soupçons ou d’allégations faites de violences sexuelles.

Les travaux de recherche de Michael Lamb et son équipe au National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) ont permis de grandes avancées en la matière en remettant en question les différents outils qui étaient utilisés par les corps policiers et le système de protection de l’enfance de l’époque.

Leurs travaux ont permis de mieux comprendre la réalité du terrain et ainsi, de trouver une façon de pallier les impacts des interventions maladroites et nocives sur les plus petits.

Le protocole d’entrevue non suggestif est un amalgame de connaissances pointues et scientifiques sur les techniques de questionnement, les connaissances mise à jour sur le développement de l’enfant et le respect des connaissances et limites de ce dernier.

Le protocole guide les intervieweurs et présente quoi faire et comment conduire l’entretien afin d’accueillir la parole de l’enfant par des questions le plus ouvertes possible (invitations) et dans le plus grand respect de son individualité.

Il en résulte, aujourd’hui, que le protocole NICHD-R est la meilleure pratique pour auditionner des enfants ayant possiblement vécu des maltraitances diverses, tout comme les enfants qui sont victimes de la guerre et de conflits armés. Il est continuellement revalidé par les études scientifiques et sa reconnaissance est internationale.

Il n’en demeure pas moins que, recueillir la parole de l’enfant est un défi de taille. Le défi est important pour la personne qui mène l’audition, mais la tâche n’est pas plus facile pour l’enfant qui doit s’adapter à un monde d’adulte et répondre à des questions pour lesquelles, il n’avait jamais envisagé être questionné.

Ceci, sans compter que la majorité des jeunes enfants n’ont pas les connaissances de base pour parler et décrire des gestes abusifs et violents qu’ils ont subis et qu’ils ne comprennent pas.

Toutefois, les résultats des recherches sur l’utilisation du protocole d’entrevue d’enquête NICHD, démontrent des résultats surprenants à l’effet que des enfants aussi jeunes que 3-4 ans sont en mesure de rapporter des détails véridiques lors du récit des violences subies, dans la mesure où les questions sont bien menées et que les compétences de l’enfant sont bien exploitées en fonction de son âge et de son développement (Cyr, 2023, Gagnon & Cyr, 2017 ; Hershkowitz et al., 2012 ; Lamb et al., 2008 ; Marchant, 2013 ; Walker, 2013).

De plus, il a aussi été démontré que lorsque le protocole NICHD était bien utilisé, il était plus facile de constater la qualité de l’audition, de juger de la crédibilité de l’audition menée et qu’il y avait près de 1.5 fois plus de chance de mener l’enquête vers des accusations criminelles permettant à la justice de suivre son cours (Hershkowitz, Fisher, Lamb, Horowitz, 2007 ; Pipe, Orbach, Lamb, Abbott, Stewart, 2013 ; Alonzo-Proulx, Cyr, 2017 ; Hershkowitz, Lamb 2020).

L’apprentissage du protocole NICHD-R,n’est pas qu’une simple façon de faire, avec une recette qui fonctionne à tout coup. Il s’agit d’une façon d’auditionner des enfants qui ont vécu des maltraitances et qui portent en eux des traumatismes importants.

Le questionnement non suggestif est donc un amalgame entre la compréhension du développement de l’enfant, la compréhension de l’impact d’un trauma, le raffinement d’une langue et les capacités de soutien de l’enquêteur.

Dans une optique de recours effectifs, il serait optimal que les systèmes de justice portent un nouveau regard et amènent des ajustements quant à la façon dont les enfants sont perçus, accueillis et questionnés.

Bien que l’investissement, temporel et financier est important ; également que les systèmes en placent et les cultures d’origine doivent s’adapter, le risque engagé est justifié par les bénéfices ou les résultats qu’il peut apporter.

La théorie est disponible et ses résultats positifs ont été démontrés scientifiquement. Une fois mise en place, la procédure peut être rapide, est équitable pour les deux parties (l’adulte qui questionne et l’enfant qui doit s’adapter aux questions) et offre réellement une chance aux enfants d’être reconnus et entendus et enfin de voir leurs verbalisations et situations avérées.

Et si tous les enfants du monde pouvaient faire entendre leurs voix…